Ö, Erdöben

J'aimerais être une sorcière des temps modernes. On a tous l'image de la vieille femme à la verrue et aux ongles crochus, qui finissait en général ses vieux jours sur un bûcher au moyen âge. Puis il y a le concept enchanté de la sorcière des forêts, la belle femme naturelle et sauvage aux décoctions à base de plantes, médecine douce et dialogues avec les animaux des bois. Celle qui parle aux fées, celle qui sait, qui comprend tout grâce au puits de sagesse qu'elle a accumulé au fil des siècles. Elle a vu les temps passer, elle a vécu les changements de ce monde, elle entend les plaintes et les cris des créatures qui souffrent et ressent les émotions des plantes, des pierres, de la terre, de l'inanimé. Tant que la terre vivra, elle sera là pour l'écouter et apprendre d'elle les secrets de la vie.
Une sorcière d'aujourd'hui, à moins qu'elle n'ait vécue seule dans la forêt toute sa vie, ne pourra sans doute jamais atteindre cet état d'harmonie si parfaite avec la nature. J'aimerais pouvoir combiner les deux, la connaissance du monde des hommes et celle du monde du silence, des créatures et des objets qui ne peuvent parler mais ressentent, se souviennent, savent. J'aimerais m'imprégner de toute cette connaissance et vivre en osmose avec le monde qui m'entoure, j'aimerais pouvoir acquérir cette sagesse du vivant, du mort et de l'inanimé pour vivre bien avec ce monde.
Ouais, j'ai des accès de mysticisme.
Je trouve ça trop triste de se contenter du monde concrêt, si facile d'accès et pourtant si réducteur. Parfois j'aimerais vraiment croire en Dieu mais je suis devenue trop concrête avec le temps.
C'est lorsque le ciel se couvre et qu'un orage se prépare doucement, derrière une couche de nuages mouvants et voilés par une lumière surréaliste, ni jaunâtre, ni grise, ni noire, une lumière venue des temps immémoriaux, que je ressens la magie. Je n'ai pas besoin d'une doctrine, d'un concept ou d'une théorie prééxistante pour me laisser envahir par cette force immense et majestueuse, celle de la nature que nous ne contrôlerons jamais et nous possède depuis toujours et ce jusqu'à la fin des temps. J'aimerais devenir l'amie de cette force, ne plus essayer de la brider par la technologie, nos machines, notre électronique, notre angoisse de petites créatures terrorisées par ce qui les a créées.
Un jour j'y arriverais peut-être, va savoir comment. J'irais vivre dans la montagne toute seule, dans ma quête de spiritualité, et je finirais dévorée par un loup. Je l'aurais cherché, remarque.

Baba yaga