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tic... tac
1 novembre 2009

Interactions sociales, acte 1, scène 1

Impossible de dormir. Retour à 3h du matin, les pieds en compote, le maquillage de zombie qui dégouline, comme si quelqu'un allait remarquer la différence.

Tourne et retourne dans le lit, une vraie crêpe dans son huile de friture, faut qu'elle soit bien dorée des deux côtés. Je bous dans mon huile, c'est désagréable d'être en train de cuire.
Pourtant j'avais pris une douche. (et ce n'est même pas drôle).

Du coup je n'ai pas dormi du tout, à 8h30 je décolle de ma poêle et me prépare des tartines pour un petit déjeuner complètement dans les vapes en compagnie de Alasdair, le coloc chauve. Lui aussi s'est couché vers 4h du matin, lui non plus n'arrive pas à dormir, mais lui c'est parce qu'il est sain, quand c'est le matin et bien... c'est le matin, il n'a pas de temps à perdre. C'est la nuit qu'on dort.
Alasdair est un geek bio, qui aime se déguiser en zombie, écouter de la pop rock british et manger des saucisses aux légumes parce qu'il est végétarien. Drôle de cocktail, on a d'un côté le délire geekifiant tendance GNiste du type qui se prend pas au sérieux, l'attitude poupouffe d'une midinette en slim et ballerines qui écoute de la pop british top tendance, et les principes de vie sains et légumineux qui lui apporteront existence longue et prospère.
Et il est chauve. Allure de punk gentil, du genre j'ai le crâne rasé, des piercings plein les oreilles, des t-shirts qui font peur mais de grands yeux bleus, un sourire de gamin de 4 ans et une attitude de mère couveuse pour ses deux petits colocs Jordy-le-français et David-le-suédois.
Je comprends pas grand chose quand il cause car c'est un pur écossais à l'accent prononcé, mais je l'aime bien.
Brève conversation le nez dans la confiture, avec des taches de faux sang un peu partout, résidus de la nuit d'Halloween.

Cette soirée était vraiment cool. Ici, les gens prennent Halloween très au sérieux, tout le monde est déguisé et prendre le bus revient à se balader dans les coulisses d'un théâtre. Des fées, des abeilles géantes, des taulards, des monstres divers, et beaucoup de super-héros, du Spiderman saisissant de réalisme à la Catwoman aux bourrelets compressés dans un costume taille 38 alors qu'elle fait du 42.
Au début je ne voulais pas me déguiser, parce que flemme, parce que j'aime pas avoir du maquillage sur la peau et parce que j'aime pas faire les choses à l'arrache - j'aime préparer un costume à l'avance et le faire bien. Et puis quand je suis repassée à l'appart' pour prendre quelques affaires, j'ai réalisé que mon cauchemar avait été prémonitoire : Dominique avait rangé mon placard. Ma partie de frigo.
Et elle avait encore jeté mon éponge.
Il y a quelques articles de cela, j'ai parlé de la 'vraie colère' : ben voilà, un nouveau chapitre à mon bouquin de la colère pure (page 56 : 'Une éponge de trop'). Cela faisait des années que je n'avais pas pleuré de rage.
Du coup j'en avais plus rien à foutre, j'ai trop mangé, trop bu, me suis fardé la tronche pour ressembler à un cadavre, crêpé mes cheveux jusqu'à les casser (et j'avais une bien belle touffe), me suis habillée comme une patate pour avoir l'air destroy et j'ai brandit mon immense parapluie pointu toute la soirée pour me donner l'air bad.
Et je me suis vraiment bien amusée.

J'me suis sentie un peu déplacée par moments, ici les filles se déguisent pour être sexy. Entourée de décolletés pigeonnants, de talons aiguilles et de porte-jarretelles, je faisais sans doute un peu tâche. Mais au moins, j'ai conservé l'esprit d'Halloween et des déguisements qui font peur, MOI.
Comme disait Meri : toute fête sert de prétexte à ces filles pour s'habiller comme des putes.
Meri est finlandaise, lesbienne, et vraiment magnifique. Elle ressemble à un elfe, un être sylvain qui passerait sa journée à sautiller de branche en branche dans les sous-bois humides et froids de la Finlande. Fausse rousse, mini-dreads hérissées, et un style tout droit issu des Moomins, son mètre cinquante-cinq lui donnerait tout juste quatorze ans si elle n'avait pas une aussi grande gueule. Elle aime les séries B, l'humour noir, les bébés morts et le Baileys, tout pour me plaire quoi.

- alors Meri, vous êtes pas déguisées ?
- si si, je suis déguisée en Charles Darwin et Sanna s'est déguisée en ma douce et tendre femme. Et toi ?
- je sais pas trop, mais en tout cas je suis morte

Sanna, sa copine, est un peu une version d'elle en plus sombre : cheveux noirs et hirsutes, vêtements noirs, la lune et le soleil autour du cou et de grands yeux clairs pour éclairer tout ça. Même taille, même fraîcheur sylvestre, elles vont incroyablement bien ensembles.
Le studio 24 n'est pas franchement le meilleur endroit pour discuter mais elles sont venues quand même toutes les deux.

Manon m'avait dit qu'elle passerait, un de ses potes Breakdancer avait été embauché pour la soirée. Je l'ai cherchée un peu des yeux mais trop de monde et de fumée pour pouvoir la détecter.
Manon est l'autre étudiante Erasmus de psycho partie de la même fac que moi, le courant est passé tout de suite, autour d'un café miniaturisé à £1.80 le dé-à-coudre.

- c'est quoi ce café
- t'as intérêt à le boire très, très, très lentement

Les français sont très facilement repérables; ce sont ceux qui trainassent vingt minutes entre la machine à café et la clope alors qu'ils n'ont que cinq minutes de pause entre deux cours.

Manon vit avec deux français et un écossais silencieux, ce qui donne des conversations assez surréalistes où les trois frenchies font l'effort de parler anglais entre eux par respect pour l'écossais qui pourtant n'en place jamais une. Heureusement que les français se comprennent entre eux parce que personne ne comprend jamais leur accent.

D'autres nationalités sont difficilement détectables, prenons par exemple Mihaela.
Mihaela est croate, brune, sauvage, porte une tête de poupée sur un corps qu'elle essaie à tout prix de vieillir. Son anglais est parfait, je n'aurais jamais pu imaginer qu'elle ne venait pas d'ici. Mais peut-être qu'elle a beaucoup voyagé, d'origine croate mais ayant vécu un peu partout dans le monde, des parents diplomates, ou quelque chose comme ça.
Mihaela a juste l'air... riche. C'est la première fois que quelqu'un me fait une telle impression.
On dirait que toutes ses fringues, même la moindre barrette à cheveux, ont coûté une somme exorbitante. Et elle peine à cacher son allure de gamine, sous une tonne de maquillage vulgaire, des lunettes de secrétaire sadomaso (montures en plastique noir de deux centimètres de large), des foulards léopard (mais sans doute Hermès), des bottes de dominatrice, des jeans Diesel, des chemisiers fleuris en mousseline, une collection de cinq ou six vestes en cuir véritable.
Mihaela s'assoie souvent à côté de moi en amphi et ne me parle pas. C'est intriguant.

Non vraiment, c'est une chose bien étrange que d'être étudiant Erasmus. Je me sens engoncée dans une parenthèse multinationale, je remarque certains individus -qui eux aussi me remarquent- comme si un clignotant était allumé au dessus de leur tête : 'moi aussi je suis paumé. Mon anglais n'est pas terrible non plus. Je trouve les loyers écossais hors de prix et l'herbe écossaise surnaturellement verte. Tu veux être mon ami ? '.
Ça crée des liens.

mouettes

[ suite au prochain épisode ]

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